Passée d’un plaisir

La bouche le sexe la peau les os mais pas les muscles je vous en supplie pas les muscles les tendons ou le reste. La douleur comme seule anti-horizon.

Se rappeler ce que notre sang a tendance à voir à faire ne pas s’y maudire faire avec trouver des stratégies.

Pourrais-je me convaincre dans le futur que j’aurais pu mieux faire ? Ne pas y penser, batailler entre tous les imaginaires ici, mais pas celui du futur, suspends ton jugement quand tu es nu, le sale et le bien s’y accoupleront si nous passons d’un plaisir à l’autre sans s’y attarder, sans s’y projeter.

Choose your poison

Il y a toujours ce mystère de la première fois où chacun se choque, jaillissements imprévus de la libido profonde, on l’avait oubliée celle-là, tout occupés à se cloner les uns les autres. On se susurre, c’est la première fois depuis que le monde existe.

Réussir une première fois c’est peut-être cette transformation-là, se lancer tant corps et âme qu’on ne sait plus si c’est une première fois ou bien la première fois.

Et tous ces verrous internels qui sautent, sont-ce des serrures que nos marrants de parents ont ou auraient réussi à faire sauter ? On passe sa vie à s’en affranchir.

S’affranchir de ce qu’on a appris sans se rendre compte que précisément c’est le jeu ; l’importance de respecter les règles réside parfois seulement dans ce qui se suscite face à l’interdiction.

Se réunir pour rêver : slogan pour refuser ce qui est dit d’avance, la pseudo-rationalité de l’inertie. Slogan inactif aussi car la majorité délaisse les rêves, activités chimériques, oisives.

Se fasciner pour la métamorphose, la bascule du monde, les relectures et grotesques et folles, accepter un peu de bullshit pour ne pas perdre irrémédiablement l’accès à l’enseveli sous les tabous du déjà-dit.

Trouver chaque jour le centre du plaisir, s’y corrompre parfois. Se brûler, se piquer sur le même centre encore, et toujours se masturber à l’infini, avec quelqu’un ou seul, manger et boire encore et encore et encore, se mirer comme Narcisse, ranger tout et n’importe quoi, engueuler tout ce qui bouche, se donner douleur comme on le souhaite : choose your poison.

fiole de poison

Se convaincre à chaque gorgée que l’excitation reçue, c’est la vie elle-même qui cause, que le plaisir est sans doute éthique, tandis que la gorgée nous fait simplement le don de l’oubli. L’oubli des choses les plus profondes, dures, difficiles, lourdes, celles qui pourraient par exemple nous culpabiliser de notre jouissance.

Cette légèreté n’est-elle pas cependant la clé pour affronter le désespoir ? Bien malheureux ceux qui jouissent le moins !

J’ai choisi la honte. La honte tempérée d’être un clone, un «nous des nous», lorsqu’il n’y a rien à apprendre. Et à l’aube entre chien et loup, je me réveille et j’autorise mon excessif, quand il s’agit de s’enseigner : s’affrontent celui-qui-vit et soi-qui-décide. Comment appeler une situation où on n’apprend rien ? C’est celle où j’ai honte, car je m’adonne au poison.

Névrotique / no shit

Aucune envie d’imposer la conscience d’une douleur, donc ne bouger que le frivole.

Articuler seulement dans un soupir humilié les blessures, se méfier des groupes qui dégénéreraient bien vite. Ne rien confier qu’à deux.

Se trancher les veines face au vide qui grandit en soi. Avant que ce rien n’écrase tout, se répandre rouge pour oublier le pire.

Renifler en l’autre la lumière, et surtout l’obscurité. Reprocher l’obscurité à ceux dont l’albédo n’est pas proche de 1.

Où est le jeu ? chez ceux qui cherchent le jeu chez l’autre, qui se croient vides de tout, même de la première étincelle qui peut tomber à plat ou non.

Il est dans la relation d’estime, dans la méfiance des autres qui n’emportent pas l’adhésion, les mous !

Cacher sa sensibilité en inventant mille chemins de traverse d’une situation.

Créer en ne faisant rien.

L’élégance c’est d’avoir l’air de ce qu’on est.

Technique vocale : s’y remettre

La technique vocale est l’ensemble des techniques d’émission du son que l’on peut utiliser pour obtenir une esthétique donnée. Les tenants de Miller-isme1Le Millerisme consiste à invoquer l’anatomie à tout bout de champ pour justifier tout et n’importe quoi. Savoir localiser les cartilages aryténoïdes n’a jamais aidé personne à chanter à mon avis (sauf pathologies ?) mais la tendance en France est de considérer qu’un bon prof de chant devrait être un bon anatomiste. Les gens dans cette mouvance invoque souvent l’anatomie pour clore des débats qui n’ont pas lieu d’être clos. en France diront qu’il n’y a qu’une et une seule technique vocale adaptable à chaque style, mais c’est tout à fait étonnant : il y a des techniques d’émission propres à chaque style. J’en veux pour preuve que la boucle audio-phonatoire est un équilibre complexe, qui fait en soi partie de la technique vocale.

L’idée même de la technique vocale lyrique2le répertoire lyrique est celui que chantent les chanteurs d’opéra : l’opéra notamment, mais aussi une abondance de partitions écrits pour chanteurs d’opéra. est de donner à entendre les qualités du grave dans l’aigu, et les qualités de l’aigu dans le grave. Si possible avec grande homogénéité et la plus large plage de nuances, sur de très longues durées.

Comme pour toute matière fascinante, la technique vocale lyrique est aux confluents de nombreux domaines, qu’on peut regrouper en trois grandes groupes :

  • l’art de la déclamation : la poésie, l’art oratoire, la syntaxe, la phonétique, le rythme de la langue, l’analyse littéraire, le théâtre…
  • l’art de la musique : l’harmonie, le contrepoint, le rythme de la musique3Il est souvent exactement celui de la langue, mais il y a des contre-exemples. La tâche est souvent rendue ardue, parce que le compositeur considère que le rythme de la langue va de soi, et note un rythme musical où il faut apporter une grande connaissance du rythme de la langue pour ne pas avoir l’air ridicule et/ou pour respecter la volonté de l’auteur, l’articulation, les nuances, l’écoute globale…
  • l’art du chant : le souffle, la production laryngée, la gestion des résonateurs (langue, palais…), la réalisation efficace des consonnes, mais surtout : la coordination de ces quatre facteurs sans tensions inutiles qui nuiraient au son et à la sanité de la voix.

Il est clair qu’un niveau minimum est requis pour devenir un professionnel du chant lyrique en 2021 à Paris, mais cela varie énormément. Si vous êtes ténor par exemple, il est fort probable que vous pourrez trouver du travail «juste» en chantant, même mal et sans aucune intelligence de la musique et de la déclamation. Si vous êtes soprane, on vous attend au tournant sur chacun des points énoncés plus haut (surtout sur l’art du chant).

Je suis convaincu qu’on met en avant seulement l’art du chant, et de plus en plus : dans sa caricature extrême, il suffit de regarder qui chante le plus aigu, le plus longtemps et le plus fort, et vous aurez le tiercé gagnant de tous les concours de chant lyrique. Il y a une forme de mensonge dans l’art du chant pur : cela a l’air d’être vivant, mais c’est, poussé dans ses retranchements les plus bêtes, une machinerie, qui répond bien aux diktats du chiffre mais ne convainc personne. Comment mesurer le chant ? Avec des décibels, des secondes, des diapasons… Mais comment mesurer la déclamation ? Comment mesurer la musique ?

Comment enseigner à donner la vie sous la machine ?

Frappé si fort en pleine tronche, mon âme reste vive de l’effroi d’avoir perdu tout contrôler sur mon corps.

Je suis douleur et sidération. Ce corps doit-il être au service de la violence de mon père ?

S’il est de ma famille, si je suis moi aussi un homme, pourquoi annihile-t-il notre égalité ? Est-ce parce que c’est moi le plus petit ?

Quelle caresse pourra ressusciter l’égalité ?

Mon père, celui que je devine parfois intrinsèquement bon, généreux, pur d’intention, est-ce qu’il accepte sa part d’ombre ?

Quels compartiments peuvent loger toute cette violence, lorsqu’il nie aujourd’hui m’avoir jamais frappé ? Est-ce lâche ? Est-ce pur d’oublier toute la violence passée.

Dans les poubelles de l’âme, une vieille habitude chez mon père : tout nier pour se centrer. Nier mon existant en tant que sujet, nous objectifier tous et toutes dans la grande téléologie égocentrique et enfantine du MOI JE MOI JE MOI JE.

Ne jamais assumer la moindre faille, le moindre péché, avoir l’air de tout contrôler pour mieux être admiré.

Paraître le plus fort possible, puis quand on semble démuni, choisir n’importe quelle direction et pousser jusqu’à s’imposer sans se questionner outre nécessité.

Et le soir, ruminer et mourir mille fois de honte… se sentir impuissant, impotent, et jurer alors devant la nuit de pousser et frapper autrui plus fort, demain.

Croquis du métro

Un homme affalé pue l’alcool et gît à côté de moi. Une chevalière dorée tache son annulaire gauche. L’ivresse de sa nuit a détaché le temps d’une nuit les ennuis et le manque de sens que sa vie ne comble pas parfaitement. Malgré ses efforts, son corps n’est pas le plus désirable. Le lien subtil de sa veste kaki, son pantalon velours bleu profond côtelé de bleu-gris et de son pull bordeaux fait oublier ses ongles sales, sa surcharge pondérale et l’acné de son visage commun.

L’odeur tenace d’un clochard flotte dans l’air. On ne décide pas nettement de qui il s’agit — peut-être, le clochard est parti en laissant son odeur.

Exhibitionniste des seules choses dont on est fier : de gros muscles. Mais le corps beauf peut-il être lu comme un corps actif, alors qu’il parade dans ses volumes inutiles ? La comparaison avec l’intellectuel aux sourcils froncés si fier de un exemplaire d’un tome philosophique abscons déprime : chacun seul dans sa parade, comment agir vraiment, et sur le monde, et l’un sur l’autre ?

Deux amoureux. Sensation électrique du baiser, je m’en souviens, ça plonge les lèvres dans le fleuve de l’oubli. Torrent de plaisir oublieux. Oublier le malheur, le clochard, la violence, les attentats. Ou bien s’embrassent-ils à cause de tout ça ? En trempant ses lèvres dans la joie, que font-ils, les amoureux ?

Vanité de la médiocrité

J’ai été élevé par des humains convaincus de l’infinie lâcheté, de l’entière irresponsabilité et de la violence inéluctable de l’homme, bloqués entre l’obligation d’agir et l’incapacité à agir avec certitude. Si quelqu’un commet une faute à ton encontre, ne fais rien, n’y pense pas. Une absence de digestion, une forme de recroquevillement permanent.

Ce que la société crée autour des hommes m’attire et me dégoûte à la fois. Leur puissance, leur pouvoir, leur facilité à demander des libertés et à en abuser à la fois.

Plus encore, c’est tout cela à la fois, mais centré sur moi : ma puissance, mon pouvoir, ma facilité à abuser des libertés tout en les réquisitionnant.

J’ai longtemps fui, par conséquent, l’apparence de ce que je suis. Blanc, intellectuel, riche dans l’apparence, fort dans mon corps. Enraciner l’admiration chez les autres est si facile, mais aussi terriblement décevant : qui n’est pas déçu à la moindre erreur de l’omnipotent ?

«Pour vivre heureux, restons médiocre.» Voilà le résumé de qui je suis depuis mes 20 ans. La supériorité ne saurait que se retourner contre celui qui l’inspire.

Certains de mes camarades de classe, de mes 7 ans à mes 17 ans, lorsqu’ils rentraient chez eux, on leur demandait : «combien il a eu, voixdhumain ?», et après seulement : «et toi, tu as eu combien ?». L’écart entre ceci et cela était alors le sujet de la discussion et des acrimonies parentales.

Comment peut-on s’en remettre, d’un côté et de l’autre de la barrière ? lorsque c’est ça à chaque tournant : jalousie, envie, orgueil, obséquiosité, mensonges, flagornerie, coudput’, lâcheté ? … et déception, issue de la différence entre l’image d’Épinal et la réalité.

J’ai donc passé 10 ans à ne plus travailler pour attendre quelque chose de plus grand que moi-même, obsédé que j’étais par ne pas dépasser les autres, tant on me moquait si je m’y essayais. Vanité, vanité, tout n’est que vanité.

Je trouve, dans l’étude d’une grande vertu, une belle réponse. La simplicité est ma reine des vertus. Être plus grand que soi-même, travailler tous les jours à cette aune, mais avec simplicité, sans rien ajouter, sans rien décorer, sans faire de cadeaux à l’égo.

Le travail d’une vie.

Solfégiste et chant choral parisien

Le chant choral parisien est profondément marqué par le solfège. Rachid Safir, Laurence Equilbey, Henri Chalet, Catherine Simon-Piétri… De très bons solfégistes, qui ne supportent pas l’erreur de diapason, l’erreur de rythme, l’erreur de tempo, l’erreur d’harmonie. Ils n’ont pas la célébrité qui aurait pu les attendre dans les années 40. Et ils sont solfégistes, parce que 50 ans plus tôt, il était si difficile de rencontrer des chanteurs capables de lire la musique d’un coup d’œil…

Aujourd’hui, tous ces techniciens n’ont pas fait de Paris le centre mondial de la polyphonie, mais ils ont doté d’un standard le monde parisien. La technique ne fait pas tout, en tant que chef et en tant qu’interprète. Le public se moque pas mal de rencontrer la virtuosité depuis plusieurs décennies, et la mode n’est pas au chant choral. La génération précédente s’éteint, il reste à trouver la voix du futur, et à dresser un tableau historique de l’évolution économique, artistique, sociologique, des conditions de production de la musique de demain.

Life As We Knew It

Je suis en train de finir le quatrième tome d’une saga du type Young Adult Fiction nommée Life as We Knew It. C’est touchant, parce qu’on sent que l’auteur s’est pris d’affection pour les personnages qu’elle a dépeints souffrant après une apocalypse causée par la lune, et elle en dit toutes les retombées en faim, en sang, en violences.

C’est à la fois un miroir du passé (les famines, la cellule familiale, la solitude, vivre sans Internet, sans électricité…), et un miroir de la société présente (la différence entre riches et pauvres), c’est touchant. Je trouve particulièrement fascinant toutes ces situations où l’autrice s’attache à défendre un cheminement de la pensée malsain, mais parfaitement explicable : la dépression, la honte, la culpabilité, les syndromes de l’imposteur et du survivant percolent toute son écriture, en compagnie de la joie, des rires et de l’amour.

Après une histoire si triste, j’en viens à m’extasier d’avoir l’eau courante, de la nourriture immédiatement accessible, un toit chaud, des rues sûres. Les trois quarts de siècle que nous passons en Europe de l’Ouest sans guerre ne nous préparent pas du tout à nous adapter. J’ai envie de manger le strict nécessaire et de faire beaucoup de sport pour me préparer à une apocalypse…

Les axes pour débuter en chant

Qu’apprendre à un débutant en chant ? Pour moi, la principale qualité d’un chanteur débutant, c’est de connaître des pistes pour moins se fatiguer la voix.

Parce que de toute façon, si tu chantes beaucoup, tu vas forcément finir par mieux chanter un jour ou l’autre. J’ai vu ça sur des gens qui chantaient si mal, si faux, si moche… Et qui sont devenus professionnels !

Alors j’apprends aux débutants les bases de la respiration : avoir la position finale de l’inspiration pendant l’expiration (ne jamais s’effondrer), travailler les muscles profonds avec de l’apnée, des exercices de langue et de bouche, prononcer toujours son texte avec de l’espace entre les dents, et découvrir quand le voile du palais est monté (parlez bourgeois, baillez, une balle au fond de la bouche…)

La seconde politesse du chanteur débutant, c’est selon moi d’avoir compris ce qu’il raconte, pour ne pas avoir l’air de hurler ou d’ânonner le bottin. Il faut donc connaître les mots les plus importants d’une phrase, connaître la structure grammaticale du texte et repérer les procédés poétiques. Ça fait travailler, mine de rien, la pensée, pour qu’elle dure et parcourt toute la longueur de la phrase.

La troisième politesse du chanteur, à mon sens, c’est de savoir ses défauts et ses qualités. J’explore donc le vocabulaire : l’homogénéité, le legato, le serrage, l’air sur la voix, la voix pleine, la rondeur, le son métallique… Et les outils techniques assortis pour gommer ou travailler ça.

Au cours du travail, il est également essentiel de faire prendre conscience du rapport des sons entre eux : une fois qu’on a étudié la technique vocale et le texte, il reste une grande partie à découvrir : la fonction de chaque note dans un accord. C’est particulièrement utile pour introduire le travail de chœur, et la conscience que les notes ont parfois une vie hors du chant, c’est-à-dire en relation avec les autres instruments, et en particulier le son le plus grave.