Choose your poison

Il y a toujours ce mystère de la première fois où chacun se choque, jaillissements imprévus de la libido profonde, on l’avait oubliée celle-là, tout occupés à se cloner les uns les autres. On se susurre, c’est la première fois depuis que le monde existe.

Réussir une première fois c’est peut-être cette transformation-là, se lancer tant corps et âme qu’on ne sait plus si c’est une première fois ou bien la première fois.

Et tous ces verrous internels qui sautent, sont-ce des serrures que nos marrants de parents ont ou auraient réussi à faire sauter ? On passe sa vie à s’en affranchir.

S’affranchir de ce qu’on a appris sans se rendre compte que précisément c’est le jeu ; l’importance de respecter les règles réside parfois seulement dans ce qui se suscite face à l’interdiction.

Se réunir pour rêver : slogan pour refuser ce qui est dit d’avance, la pseudo-rationalité de l’inertie. Slogan inactif aussi car la majorité délaisse les rêves, activités chimériques, oisives.

Se fasciner pour la métamorphose, la bascule du monde, les relectures et grotesques et folles, accepter un peu de bullshit pour ne pas perdre irrémédiablement l’accès à l’enseveli sous les tabous du déjà-dit.

Trouver chaque jour le centre du plaisir, s’y corrompre parfois. Se brûler, se piquer sur le même centre encore, et toujours se masturber à l’infini, avec quelqu’un ou seul, manger et boire encore et encore et encore, se mirer comme Narcisse, ranger tout et n’importe quoi, engueuler tout ce qui bouche, se donner douleur comme on le souhaite : choose your poison.

fiole de poison

Se convaincre à chaque gorgée que l’excitation reçue, c’est la vie elle-même qui cause, que le plaisir est sans doute éthique, tandis que la gorgée nous fait simplement le don de l’oubli. L’oubli des choses les plus profondes, dures, difficiles, lourdes, celles qui pourraient par exemple nous culpabiliser de notre jouissance.

Cette légèreté n’est-elle pas cependant la clé pour affronter le désespoir ? Bien malheureux ceux qui jouissent le moins !

J’ai choisi la honte. La honte tempérée d’être un clone, un «nous des nous», lorsqu’il n’y a rien à apprendre. Et à l’aube entre chien et loup, je me réveille et j’autorise mon excessif, quand il s’agit de s’enseigner : s’affrontent celui-qui-vit et soi-qui-décide. Comment appeler une situation où on n’apprend rien ? C’est celle où j’ai honte, car je m’adonne au poison.

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