Solfégiste et chant choral parisien

Le chant choral parisien est profondément marqué par le solfège. Rachid Safir, Laurence Equilbey, Henri Chalet, Catherine Simon-Piétri… De très bons solfégistes, qui ne supportent pas l’erreur de diapason, l’erreur de rythme, l’erreur de tempo, l’erreur d’harmonie. Ils n’ont pas la célébrité qui aurait pu les attendre dans les années 40. Et ils sont solfégistes, parce que 50 ans plus tôt, il était si difficile de rencontrer des chanteurs capables de lire la musique d’un coup d’œil…

Aujourd’hui, tous ces techniciens n’ont pas fait de Paris le centre mondial de la polyphonie, mais ils ont doté d’un standard le monde parisien. La technique ne fait pas tout, en tant que chef et en tant qu’interprète. Le public se moque pas mal de rencontrer la virtuosité depuis plusieurs décennies, et la mode n’est pas au chant choral. La génération précédente s’éteint, il reste à trouver la voix du futur, et à dresser un tableau historique de l’évolution économique, artistique, sociologique, des conditions de production de la musique de demain.

Life As We Knew It

Je suis en train de finir le quatrième tome d’une saga du type Young Adult Fiction nommée Life as We Knew It. C’est touchant, parce qu’on sent que l’auteur s’est pris d’affection pour les personnages qu’elle a dépeints souffrant après une apocalypse causée par la lune, et elle en dit toutes les retombées en faim, en sang, en violences.

C’est à la fois un miroir du passé (les famines, la cellule familiale, la solitude, vivre sans Internet, sans électricité…), et un miroir de la société présente (la différence entre riches et pauvres), c’est touchant. Je trouve particulièrement fascinant toutes ces situations où l’autrice s’attache à défendre un cheminement de la pensée malsain, mais parfaitement explicable : la dépression, la honte, la culpabilité, les syndromes de l’imposteur et du survivant percolent toute son écriture, en compagnie de la joie, des rires et de l’amour.

Après une histoire si triste, j’en viens à m’extasier d’avoir l’eau courante, de la nourriture immédiatement accessible, un toit chaud, des rues sûres. Les trois quarts de siècle que nous passons en Europe de l’Ouest sans guerre ne nous préparent pas du tout à nous adapter. J’ai envie de manger le strict nécessaire et de faire beaucoup de sport pour me préparer à une apocalypse…

Les axes pour débuter en chant

Qu’apprendre à un débutant en chant ? Pour moi, la principale qualité d’un chanteur débutant, c’est de connaître des pistes pour moins se fatiguer la voix.

Parce que de toute façon, si tu chantes beaucoup, tu vas forcément finir par mieux chanter un jour ou l’autre. J’ai vu ça sur des gens qui chantaient si mal, si faux, si moche… Et qui sont devenus professionnels !

Alors j’apprends aux débutants les bases de la respiration : avoir la position finale de l’inspiration pendant l’expiration (ne jamais s’effondrer), travailler les muscles profonds avec de l’apnée, des exercices de langue et de bouche, prononcer toujours son texte avec de l’espace entre les dents, et découvrir quand le voile du palais est monté (parlez bourgeois, baillez, une balle au fond de la bouche…)

La seconde politesse du chanteur débutant, c’est selon moi d’avoir compris ce qu’il raconte, pour ne pas avoir l’air de hurler ou d’ânonner le bottin. Il faut donc connaître les mots les plus importants d’une phrase, connaître la structure grammaticale du texte et repérer les procédés poétiques. Ça fait travailler, mine de rien, la pensée, pour qu’elle dure et parcourt toute la longueur de la phrase.

La troisième politesse du chanteur, à mon sens, c’est de savoir ses défauts et ses qualités. J’explore donc le vocabulaire : l’homogénéité, le legato, le serrage, l’air sur la voix, la voix pleine, la rondeur, le son métallique… Et les outils techniques assortis pour gommer ou travailler ça.

Au cours du travail, il est également essentiel de faire prendre conscience du rapport des sons entre eux : une fois qu’on a étudié la technique vocale et le texte, il reste une grande partie à découvrir : la fonction de chaque note dans un accord. C’est particulièrement utile pour introduire le travail de chœur, et la conscience que les notes ont parfois une vie hors du chant, c’est-à-dire en relation avec les autres instruments, et en particulier le son le plus grave.

Vices et vertus

Les 7 vertus et les 7 péchés catholiques capitaux, dont la liste a été fixée par Saint-Augustin (Wikipédia) me fascinent complètement, parce qu’il déclare que tous les vices et toutes les vertus découlent de cette liste, comme toutes les couleurs sont un mélange de 3 couleurs primaires.

D’un côté, c’est une liste qui fut utilisée contre des innocents, par exemple pour fustiger la masturbation, ou le fait de désirer autrui. On connaît la tradition culpabilisatrice des religions du livre… Tant et si bien qu’elles sclérosent encore le cœur de beaucoup de religieux.

Mais elle n’est pas à jeter àmha… En relisant attentivement certains écrits catholiques, dont une sublime poésie de St François d’Assise appelée Salut aux vertus, je me suis rendu compte qu’il y avait un énorme travail de caractérologie derrière certains grands penseurs de la foi. Il s’agit d’avoir une grille de lecture d’autrui, et pas forcément pour le condamner immédiatement. En réalité, le plus grand travail à faire, il est de soi à soi.

J’ai aussi découvert que c’est une façon de parler de la vie qui ne psychologisent pas le rapport à l’autre, il le décrit bien moins subjectivement, et sans lien avec la narration du passé : cet homme a fait ça par avarice, ou bien par orgueil. (Et peu importe qui était son père, sa mère, etc.) Il s’agit d’un théâtre de forces immanentes à l’individu, qui se révèlent immédiatement. Il ne faut pas attendre l’analyse pour réagir, le vice est nécessairement vicié, la vertu est nécessairement vertueuse.

Il reste à déterminer s’il existe de mauvaises vertus, et de bons vices… Le mensonge peut-il être vertueux ? La violence ? La simplicité peut-elle causer du tort ? L’humilité ? Les écrits de St Thomas d’Aquin traitent de ces problèmes et proposent des guides de vie face à chaque situation.

En en parlant autour de moi, je me suis rendu compte que pour chacun, il y a des vices affreux, à éviter, et des vertus importantes, à conserver. Et que ces listes sont parfois incompatibles entre deux personnes. Chacun tient à sa propre hiérarchie des vices et des vertus.

Enfin, une vision plus large des vices et des vertus aujourd’hui montre que le capitalisme pousse à tous les vices, sans cesse : trompez votre conjoint, mangez gras, devenez riche, prenez des vacances, enviez ceux qui (s)ont plus que vous, mettez-vous en colère contre vos compétiteurs, montrez-vous fiers en toute circonstance.

Est-ce qu’être vertueux, c’est être anti-capitaliste ? Est-ce que la pensée moderne est compatible avec l’idée du Bon Comportement (la vertu) et du Mauvais Comportement (le vice) ?

 

Le bavarois

Il me manque. Je revois son torse nu, et je sens sa chaleur. Je sens encore ô combien son moindre sourire me laissera toujours échoué à ses lèvres, ô combien je voulais lui faire du bien, pour voir et revoir ce sourire-là.

Je l’ai rencontré dans la cuisine d’un ami en juin 2012. L’incongruité des espaces parisiens, leur petitesse, leur étroitesse… Combien d’amours et d’amitiés ont profité de ces conditions de promiscuité ?

Un jour, je lui ai dit de partir de ma vie, et pourtant je le souhaite là, tout près de moi, qu’il me réchauffe, qu’il sourie. Il ne me reste de lui que de mauvaises traductions, un accent bavarois et une ou deux photos qui m’inspirent une mélancolie sans pareil.

Et tous les oiseaux de proie qui survolent cette histoire et lâchent une fiente sur mes souvenirs.

C’est le défaut avec «l’homme sublime qui n’a rien à offrir», «l’escroc des émotions» aucune narration ne pourra refléter son souvenir sans le sombre. «Bien sûr que tu as froid. À l’intérieur. Tu as toujours froid.»

juin 2012 – juillet 2015 : une idylle congelée entre moi et Philipp.