Vanité de la médiocrité

J’ai été élevé par des humains convaincus de l’infinie lâcheté, de l’entière irresponsabilité et de la violence inéluctable de l’homme, bloqués entre l’obligation d’agir et l’incapacité à agir avec certitude. Si quelqu’un commet une faute à ton encontre, ne fais rien, n’y pense pas. Une absence de digestion, une forme de recroquevillement permanent.

Ce que la société crée autour des hommes m’attire et me dégoûte à la fois. Leur puissance, leur pouvoir, leur facilité à demander des libertés et à en abuser à la fois.

Plus encore, c’est tout cela à la fois, mais centré sur moi : ma puissance, mon pouvoir, ma facilité à abuser des libertés tout en les réquisitionnant.

J’ai longtemps fui, par conséquent, l’apparence de ce que je suis. Blanc, intellectuel, riche dans l’apparence, fort dans mon corps. Enraciner l’admiration chez les autres est si facile, mais aussi terriblement décevant : qui n’est pas déçu à la moindre erreur de l’omnipotent ?

«Pour vivre heureux, restons médiocre.» Voilà le résumé de qui je suis depuis mes 20 ans. La supériorité ne saurait que se retourner contre celui qui l’inspire.

Certains de mes camarades de classe, de mes 7 ans à mes 17 ans, lorsqu’ils rentraient chez eux, on leur demandait : «combien il a eu, voixdhumain ?», et après seulement : «et toi, tu as eu combien ?». L’écart entre ceci et cela était alors le sujet de la discussion et des acrimonies parentales.

Comment peut-on s’en remettre, d’un côté et de l’autre de la barrière ? lorsque c’est ça à chaque tournant : jalousie, envie, orgueil, obséquiosité, mensonges, flagornerie, coudput’, lâcheté ? … et déception, issue de la différence entre l’image d’Épinal et la réalité.

J’ai donc passé 10 ans à ne plus travailler pour attendre quelque chose de plus grand que moi-même, obsédé que j’étais par ne pas dépasser les autres, tant on me moquait si je m’y essayais. Vanité, vanité, tout n’est que vanité.

Je trouve, dans l’étude d’une grande vertu, une belle réponse. La simplicité est ma reine des vertus. Être plus grand que soi-même, travailler tous les jours à cette aune, mais avec simplicité, sans rien ajouter, sans rien décorer, sans faire de cadeaux à l’égo.

Le travail d’une vie.