Croquis du métro

Un homme affalé pue l’alcool et gît à côté de moi. Une chevalière dorée tache son annulaire gauche. L’ivresse de sa nuit a détaché le temps d’une nuit les ennuis et le manque de sens que sa vie ne comble pas parfaitement. Malgré ses efforts, son corps n’est pas le plus désirable. Le lien subtil de sa veste kaki, son pantalon velours bleu profond côtelé de bleu-gris et de son pull bordeaux fait oublier ses ongles sales, sa surcharge pondérale et l’acné de son visage commun.

L’odeur tenace d’un clochard flotte dans l’air. On ne décide pas nettement de qui il s’agit — peut-être, le clochard est parti en laissant son odeur.

Exhibitionniste des seules choses dont on est fier : de gros muscles. Mais le corps beauf peut-il être lu comme un corps actif, alors qu’il parade dans ses volumes inutiles ? La comparaison avec l’intellectuel aux sourcils froncés si fier de un exemplaire d’un tome philosophique abscons déprime : chacun seul dans sa parade, comment agir vraiment, et sur le monde, et l’un sur l’autre ?

Deux amoureux. Sensation électrique du baiser, je m’en souviens, ça plonge les lèvres dans le fleuve de l’oubli. Torrent de plaisir oublieux. Oublier le malheur, le clochard, la violence, les attentats. Ou bien s’embrassent-ils à cause de tout ça ? En trempant ses lèvres dans la joie, que font-ils, les amoureux ?

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